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Entreprendre en association : avantages et limites

En France, les associations se créent pour répondre à un besoin social, culturel ou environnemental spécifique. Pour une population donnée, sur un territoire précis pour pallier un manque et répondre à des besoins non pourvus.

Toutefois, face aux contraintes de financement et à la volonté de développer des projets durables, certaines se posent la question de professionnaliser leur activité, voire de générer des revenus.

Entreprendre en tant qu’association peut présenter de réels avantages mais nécessite de bien être conscient des limites de ce modèle. Cet article vous propose un tour d’horizon des enjeux, des conseils pratiques et des structures juridiques adaptées pour un développement responsable et pérenne de vos projets associatifs.

Attention : cet article a valeur d’information. Il n’est pas rédigé par une juriste. Prendre l’avis d’un•e professionnel•le du droit est plus que vivement conseillé avant de se lancer dans cette activité.

1. Pourquoi entreprendre en tant qu’association ?

Les associations loi de 1901 sont été créées dans un but non lucratif pour mener des activités d’intérêt général ou collectif. Ce qui n’exclut pas pour autant de mener en interne des activités qui font rentrer des fonds.

300 000 associations en France mènent des activités économiques secondaires à leur objet social. Ainsi, elles répondent à des enjeux sociétaux tout en restant fidèles à leurs principes éthiques.

La structure associative permet d’entreprendre de façon encadrée et offre certains avantages comme :

a) la liberté de gestion

Les associations jouissent d’une grande souplesse dans la gestion de leurs activités et de leur gouvernance, permettant d’adapter facilement leur modèle à leurs missions.

b) l’accès à des subventions publiques

Les associations peuvent obtenir des financements de la part des collectivités, ce qui est généralement moins accessible pour les entreprises. Bien que ces derniers temps, l’attribution de financements publics soit devenue plus contrainte.

c) la mobilisation du bénévolat

De nombreuses personnes sont prêtes à investir bénévolement du temps et des compétences dans des projets associatifs à impact, réduisant ainsi les coûts de personnel.

d) un statut fiscal avantageux

Avantage non négligeable, les activités non lucratives des associations sont exonérées d’impôt sur les sociétés et de TVA.

Cependant, il est essentiel de veiller à ne pas franchir les limites imposées par le cadre associatif pour éviter les sanctions fiscales et préserver la mission de l’association.

2. Quels sont les écueils courants à éviter ?

Entreprendre en tant qu’association n’est pas sans défis surtout lorsqu’il s’agit de maintenir une activité durable et conforme au cadre associatif :

a) la frontière entre activité lucrative et non lucrative

Toute activité générant des revenus ne doit pas pour autant devenir « lucrative » au sens fiscal. Pour rester non lucrative, une activité doit servir directement la mission de l’association, sans viser de profit personnel.

Les bénéfices doivent être intégralement réinjectés dans les actions de l’association.

b) la concurrence avec le secteur marchand

Les activités de nature commerciale exercées par les associations ne doivent pas empiéter sur celles du secteur privé. Les associations doivent se poser la question de leur légitimité dans des domaines où existent des entreprises privées.

Pour éviter les conflits avec le secteur marchand, une association doit formaliser son impact social et environnemental et justifier que ses actions visent à répondre à des besoins non couverts.

Exemple :

Une association a pour objet social de favoriser la participation citoyenne des personnes en situation de handicap. Cette association forme des entreprises à l’accessibilité en ne faisant intervenir que des personnes en situation de handicap. Elle ne sera pas en directe concurrence avec un organisme de formation proposant des interventions sur le même sujet porté uniquement par des personnes valides.

c) la gestion du bénévolat et des salarié•es

La professionnalisation des activités implique le plus souvent l’embauche de salarié•es. Un modèle exclusivement bénévole montre ses limites lorsque des compétences spécifiques sont requises. Idem lorsque l’activité se développe et nécessite une mobilisation importante des bénévoles en termes de temps.

3. Peut-on tester une activité en association avant de se lancer en entreprise ?

Pour des porteurs de projets souhaitant tester une idée sans prendre immédiatement un statut commercial, créer une association peut être une option. Cependant, il est crucial de définir dès le départ la temporalité du projet :

a) phase de test

Il est possible de mener une activité au sein de l’association pour évaluer la viabilité économique et l’intérêt de votre projet. Si cette activité se développe et devient manifestement lucrative, une transition vers un modèle commercial est à envisager.

b) moment du passage au modèle lucratif

Dès que l’activité génère un chiffre d’affaires significatif et que la structure associative ne peut plus répondre aux besoins de financement et de développement, il est temps d’envisager la transformation en entreprise.

c) continuité entre l’association et l’entreprise

L’association initiale peut devenir actionnaire de la nouvelle structure lucrative, notamment dans le cadre d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC). Cela permet de garantir la continuité du projet et de préserver l’impact social de l’activité.

4. Les formats juridiques compatibles avec l’entrepreneuriat social

Pour développer une activité lucrative tout en conservant un engagement social, plusieurs structures juridiques issues de l’économie sociale et solidaire (ESS) sont adaptées. Ces formats permettent de générer des revenus tout en conservant une gouvernance partagée, une lucrativité limitée et des principes de solidarité.

Société Coopérative et Participative (SCOP)

Les SCOP offrent une gouvernance démocratique, où les salariés sont majoritaires et détiennent au moins 51 % du capital. Ce modèle permet aux anciens membres d’une association de devenir co-gestionnaires, avec un droit de vote égal pour chaque salarié•e et une redistribution équitable des bénéfices. Les SCOP favorisent un partage des bénéfices principalement réinvestis, assurant la pérennité de l’entreprise tout en respectant les valeurs de solidarité.

Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC)

Les SCIC sont conçues pour des projets multi-acteurs incluant divers partenaires (salarié•es, bénéficiaires, collectivités) qui peuvent participer à la gouvernance. Ce format est idéal pour les associations ayant un fort ancrage territorial et souhaitant fédérer plusieurs parties prenantes. Les SCIC limitent la distribution des bénéfices et réinvestissent la majorité des ressources pour répondre aux besoins collectifs.

Société par Actions Simplifiée (SAS) de l’ESS

Pour les projets nécessitant une flexibilité de gestion et des financements externes, la SAS de l’ESS est une option pertinente. Ce format juridique est adapté pour des associations cherchant à lever des fonds tout en limitant la lucrativité, avec une distribution des dividendes strictement encadrée. La SAS offre une souplesse dans la répartition des pouvoirs tout en garantissant une mission sociale explicite.

5. Le label Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale (ESUS)

Le label ESUS est un statut réservé aux entreprises de l’ESS qui poursuivent un objectif d’utilité sociale. Il constitue un véritable atout pour attirer des investisseurs solidaires et accéder à des financements spécifiques.

Pour être éligible au label ESUS, la structure doit répondre à plusieurs critères :

  1. Finalité sociale : elle doit s’engager pour l’utilité sociale, que ce soit par l’insertion de publics fragiles, la réduction des inégalités ou la protection de l’environnement.
  2. Limitation des bénéfices : les profits sont en grande partie réinvestis et la lucrativité est limitée par un plafonnement des dividendes.
  3. Impact mesurable : la structure doit prouver son impact social, accompagné d’une gouvernance démocratique ou participative.

Le label ESUS confère une reconnaissance officielle des objectifs sociaux de l’organisation, lui ouvrant des accès privilégiés aux financements solidaires.

6. Les seuils de lucrativité et le risque de requalification

Il n’existe pas de seuil strict en termes de montant ou de pourcentage au-delà duquel une activité devient lucrative pour une association. Cependant, l’administration fiscale analyse plusieurs critères pour déterminer la nature lucrative d’une activité :

a) le critère de la gestion désintéressée

L’association doit être gérée sans enrichissement personnel de ses dirigeants. Si cette condition n’est pas remplie, l’association risque de perdre son statut fiscal non lucratif, peu importe le chiffre d’affaires.

b) la règle des 4P : Produit, Public, Prix, Publicité

Si l’association exerce une activité similaire à une entreprise, ouverte au public, aux prix du marché et avec des actions publicitaires pour capter des clients, elle pourrait être requalifiée comme lucrative.

Infographie - la règle des 4P

c) le chiffre d’affaires des activités accessoires

Les revenus tirés d’activités lucratives accessoires ne doivent pas dépasser 72 432 € (seuil 2024). Au-delà, ces activités seraient soumises aux impôts commerciaux (TVA, impôt sur les sociétés, etc.).

En résumé

  • l’association peut être un laboratoire d’idées et un bac à sable pour tester un projet à impact
  • le passage d’une association vers une structure lucrative au sein de l’ESS nécessite une réflexion stratégique sur le format juridique
  • se faire accompagner est indispensable : engager des expert•es en droit et fiscalité pour naviguer les complexités juridiques et fiscales permet de trouver le modèle adapté à votre projet.

Autre possibilité :

Se former dans des incubateurs qui aident les associations à faire évoluer leur modèle économique.

Pour aller plus loin :

L’Avise met à disposition sur son site le guide Se lancer dans l’entrepreneuriat social